Enfin, presque

De loin en loin, ce sont des systèmes automobiles beaucoup plus riches, complexes et résilients que ceux que mettaient – ou croyaient mettre en place les constructeurs qui se sont structurés. Ils ont permis l’automobilisation des sociétés et la structuration de mobilités très hétérogènes et assez mal perçues et comprises par les constructeurs. Il en a résulté, au fil des ans, l’apparition et la spécialisation de toute une série de professions automobiles qui ont capté une part importante de la valeur. Ces professions ont été responsables d’une large part des « expériences automobiles » des ménages sans dépendre étroitement des constructeurs. Assureurs, garantisseurs, assisteurs, dépanneurs, carrossiers, distributeurs-stockistes, fabricants de matériels de garage, éditeurs de documentations techniques, marchands de VO, fast-fitters183, etc., la liste des acteurs vivant ainsi assez loin des constructeurs est longue. De même, on sait que des sociétés entières – pensons aux pays en voie de développement ou, plus près de nous aux pays d’Europe Centrale et orientales depuis leur entrée dans l’UE – ont pu s’automobiliser presque sans acheter de VN (Jullien, 2011). On sait aussi que, dans un pays comme la France, cette réalité automobile sans constructeur est vécue par une majorité de ménages. En effet, ce n’est qu’un petit tiers de leurs dépenses automobiles qui, directement et indirectement, entrent dans le chiffre d’affaires des constructeurs ou de leurs réseaux (cf. : partie 1). Si l’on accepte ainsi de considérer que les constructeurs ne sont pas l’automobile et que celle-ci est bien plus que cela, alors on peut appréhender la résilience des systèmes concernés. Ils sont beaucoup plus adaptables que ne le sont les constructeurs. Ils peuvent s’ajuster lentement et progressivement parce qu’une large part de la charge de l’ajustement aux nouvelles réalités, voire aux nouvelles technologies, ne leur incombe pas directement mais relèvent d’autres composantes. Les compétences qui sont sollicitées sont moins celles visibles et revendiquées par les constructeurs que celles, plus tacites, territorialisées et locales, de tous les métiers des services automobiles. Comme les distributeurs américains des années 10 ou 20, ces services automobiles traduisent, adaptent et corrigent le discours et les process des constructeurs pour que les voitures continuent de rouler, pour que les ateliers continuent de pouvoir travailler.

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